lundi 15 février 2010

La reine du silence de Marie Nimier

Mon père a trouvé la mort un vendredi soir. Son Aston Martin s'est écrasée contre le parapet d'un pont. Je n'étais pas dans la voiture. J'avais 5 ans.
De lui, il me reste peu de souvenirs et quelques trésors : une montre qui sonne les heures, un stylo dont la plume penche à droite et cette carte postale, où il me demandait en lettres capitales :
"que dit la reine du silence ?"
Cette phrase posait une énigme impossible à résoudre pour la petite fille que j'étais, énigme cruelle et envoûtante qui résume toute la difficulté du métier d'enfant. Enigme qui, à l'époque, se formulait ainsi :
Que pourrait bien dire la Reine du silence sans y perdre son titre, et l'affection de son papa ?
Ou encore : comment, à la fois, parler et ne pas parler?
J'étais coincée. Prise au piège de l'intelligence paternelle.



Marie Nimier est une fille de. Plus précisément, elle est la fille de Roger Nimier, un écrivain de droite, comme on le précise souvent, mort en pleine gloire en 1962 alors qu'il n'avait pas 40 ans. A cette époque, les jeunes gens célèbres se plaisaient déjà à conduire trop vite des petits bolides de course. Certains comme Françoise Sagan survivaient, et d'autre comme Roger Nimier ou la très belle Françoise Dorléac se retrouvaient broyés dans des carcasses de fer made in Angleterre.

Dans la Reine du Silence, elle part à la recherche de ce père qu'elle a si peu connu puisque ses parents étaient déjà séparé lors de l'accident et qu'elle ne l'avait pas revu depuis des mois, mais aussi à la recherche de Sunsiaré de Larcône une jeune écrivaine de grande beauté qui se trouvait sur le siège passager de l'aston martin et qui est morte elle aussi dans l'accident.

Elle raconte aussi sa vie, par petite bribe. Les moments où elle écrit, les fois où elle a essayé d'être chanteuse puis un peu comédienne, les interviews dans lesquelles on lui parle de son père et où l'on veut absolument avoir son avis sur les familles d'écrivain.

Ce n'est pas un roman traditionnel, pas de suspense, pas d'introduction ni de transformation. Aucun héros n'arrive sur son cheval blanc pour aider Marie Nimier à mieux connaître son père. Aucun vieil ami du dit père ne vient faire de révélation scandaleuse. Le ton est plutôt mélancolique et réfléchi. Marie Nimier fait des allez-retour entre le moment où elle écrit, où elle pense à son père en lisant Pinnochio à ses enfants, et d'anciennes anecdotes familiales. Le tout sans que le lecteur ne soit perdu un instant. La reine du silence est clairement un roman autobiographique, mais pas linéaire pour autant, si ce n'est le fait que dans l'incipit elle a 5 ans et qu'à la dernière phrase 45 ou 46.

C'est en tout cas un de mes coup de coeur dans le domaine de la littérature française contemporaine qui est à mon humble avis, bien trop vilipendée aujourd'hui alors qu'elle recèle de petites pépites.








1 commentaire:

  1. J'avoue, la littérature française contemporaine ne m'attire pas trop et me fait un peu peur. Je suis une trouillarde, ça n'est pas une excuse c'est une raison. Hm.

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